Gilbert
Les Gaulois contre les Césars

Vendredi 28 février s’est donc déroulée la 45ème cérémonie des Césars depuis la prestigieuse Salle Pleyel à Paris, cérémonie qui a fait l’objet de nombreuses controverses depuis plusieurs semaines. Il est vrai que 12 nominations pour le film « J’accuse » de Roman Polanski dont le nom est entaché depuis plusieurs décennies par des viols ou tentatives de viols sur de jeunes femmes a agi comme un détonateur dans le petit monde du cinéma. Au point de déclencher une grave crise dans le milieu avec la démission d'Alain Terzian, qui siégeait à la tête du conseil d'administration de l'Académie des César depuis 17 ans, et était notamment critiqué pour une belle opacité à la clé en son sein. Difficile évidemment malgré la qualité du film de rester coi devant tant de reconnaissance auprès d’un réalisateur certes brillant mais dont la réputation sulfureuse ne date pas d’aujourd’hui.
Pour ma part, vous allez peut être en être étonnés, je n’ai pas voulu regarder la cérémonie retransmise en direct comme chaque année par Canal +: par amour du cinéma, j’ai préféré et de loin me réserver la soirée pour découvrir le nouveau film de Todd Haynes, « Dark Waters »dont je publie la critique cette semaine aussi . Certes, il ne s’agit pas d’un film français cette fois - juste un hasard de programmation - , mais j’avoue depuis quelques temps être lassé par la multiplication tous azimuts des soirées de par le vaste monde, où chacun chacune vient récupérer un trophée qui pour le meilleur film, qui pour le meilleur scénario, premier rôle , meilleurs décor, musique costumes... D’autant qu’on ne sait plus trop qui sélectionne, qui juge et qui vote pour déterminer un palmarès. À chaque fois, à défaut de rêve , de paillettes ou de prise de conscience , on n’assiste plus qu’à des cérémonies plus ou moins bien ficelées et qui s’éternisent avec force discours de remerciements....
En tant que bon Gaulois râleur, j’avais donc décidé de bouder la cérémonie, me contentant d’en reprendre le palmarès, afin de le comparer avec mes humbles pronostics.
Cependant, l’attribution du César du meilleur réalisateur à Polanski m’a profondément choqué, au point même de la considérer comme une véritable provocation aux visages de ces femmes qui depuis le phénomène "Me too" ont eu le courage de dénoncer les actes barbares dont elles ont été victimes. Rien de plus naturel alors que de savoir que la comédienne Adele Haenel - dont on connaît depuis plusieurs mois les accusations de viol par le réalisateur Christophe Ruggia - ainsi que l’équipe du film "Portrait d’une jeune fille en feu" se sont éclipsées par écœurement devant tant de mépris . Normal aussi de constater que la Maitresse de cérémonie Florence Foresti ( beau cadeau empoisonné que la présentation de cet évènement, mais quel talent au final !), qui a su néanmoins naviguer contre vents et marées durant la cérémonie a jeté elle aussi l’éponge à cet instant en s'éclipsant visiblement hors de la soirée , en tweetant elle aussi sur son compte"écœurée"...

Sans réfléchir très longtemps , il aurait été plus correct et surtout de meilleur goût de décerner éventuellement un prix choral au film « J’accuse » rendant hommage au travail global d’une équipe ...
Les Français comme leurs ancêtres les Gaulois ont souvent tendance à se montrer implacables dans leur jugement, prompts qu’ils sont pour défendre liberté et idéaux et souvent redresseurs de tort : ce week-end, inutile de dire que les médias étrangers n’ont pas tardé à pourfendre le choix de la commission en matière de meilleur de réalisateur .
En tout état de cause, ces mêmes majorités de Gaulois ont parfaitement raison de combattre cette 45ème édition des Césars qui restera certes dans les annales, mais vraisemblablement pas pour de bonnes raisons. Quelle tristesse!... On espère au moins que s'il en existe une 46ème édition en 2021, cette fois, les femmes seront mieux représentées et surtout mieux respectées...

Rappel du Palmarès
César du meilleur film : Les Misérables de Ladj Ly.
César de la meilleure réalisation : J’accuse de Roman Polanski.
César de la meilleure actrice : Anaïs Demoustier pour son rôle dans Alice et le Maire.
César du meilleur acteur : Roschdy Zem pour son rôle dans Roubaix, une lumière.
César du meilleur acteur dans un second rôle : Swann Arlaud pour son rôle dans Grâce à Dieu.
César de la meilleure actrice dans un second rôle : Fanny Ardant pour le rôle de Marianne dans La Belle Epoque.
César du meilleur film étranger : Parasite du Sud-coréen Bong Joon-ho.
César du meilleur premier film : Papicha de Mounia Meddour.
César du meilleur scénario original : Nicolas Bedos pour La Belle Epoque.
César des meilleurs décors : Stéphane Rozenbaum pour La Belle Epoque.
César des meilleurs costumes : Pascaline Chavanne pour J’accuse.
César du meilleur espoir féminin : Lyna Khoudri pour son rôle dans Papicha.
César du meilleur espoir masculin : Alexis Manenti pour Les Misérables
César du meilleur court-métrage d’animation : La Nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel.
César du meilleur long-métrage d’animation : J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin.
César du meilleur documentaire : M de Yolande Zauberman.
César du meilleur film de court-métrage Pile Poil de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller.
César du public : Les Misérables de Ladj Ly.
César du meilleur son : Nicolas Cantin, Thomas Desjonquères, Raphaëll Mouterde, Olivier Goinard et Randy Thom pour Le Chant du loup.
César de la meilleure adaptation : Roman Polanski et Robert Harris pour J’accuse, d’après le roman D. de Robert Harris.
César du meilleur montage : Flora Volpelière pour Les Misérables.
César de la meilleure photographie : Claire Mathon pour Portrait de la jeune fille en feu.
César de la meilleure musique originale : Dan Levy pour J’ai perdu mon corps.
