Gilbert
Guy Bedos ou l'effet dominos...

Et de trois... trois chroniques que j'enchaîne successivement de façon totalement imprévue depuis la reprise de la diffusion de la Newsletter de "Bobines et Papyrus"...Cela devrait plutôt me réjouir, mais hélas, une fois de plus, c'est une nouvelle disparition qui en est à l'origine. Et bizarrement, celle du grand humoriste, acteur de music-hall et de cinéma, mais aussi scénariste Guy Bedos, à 85 ans, le 28 mai dernier, suit de peu celle de Jean Loup Dabadie, son ami de longue date qui lui a écrit en partie ses sketches depuis les années 60, Dabadie lui même ayant suivi de peu la disparition de Michel Piccoli. En la matière, on pourrait peut-être en rester là, non ?
Retour sur cette incroyable carrière de Guy Bedos, débarqué d'Algérie en 1949 avec ses parents et demi-soeurs. Si c'est en 1951 qu'il commence à découvrir le théâtre classique en rejoignant l'école de la rue Blanche, et qu'il jouera ensuite au théâtre et dans des cabarets, sa vie va marquer un tournant alors que Jacques Prévert, qui a reconnu en lui ses talents d'écriture, lui conseillera d'écrire des sketches. En 1965, il s'illustre sur les planches comme humoriste en duo aux côtés de sa compagne d'alors Sophie Daumier, qu'il quittera en 1977. Qui ne se souvient d'ailleurs pas du slow hilarant "La Drague", écrit encore une fois par le complice de toujours, Jean Loup Dabadie?
Après leur séparation, il poursuivra sa carrière en solo, tout en s'affirmant comme acteur complet parallèlement dans des téléfilms et pour des rôles au cinéma, et ce jusqu'en ...2012!. Tout le monde se souvient de son rôle de Simon, médecin hypocondriaque couvé par sa mère juive dans "Un éléphant, ça trompe énormément" (1976) et dans sa suite "Nous irons tous au paradis" en 1977, signés par Yves Robert sur des scénarii de...Dabadie, bien sûr !
Il composera de nombreux one man shows, écrira pour d'autres humoristes comme Smaïn ou Michel Boujenah, puis en 1992, il remontera sur les planches pour un grand spectacle en duo cette fois avec Muriel robin à l'Olympia, appelé simplement Bedos/Robin (en 1992). Puis viendront différents spectacles où Guy Bedos mène avec son esprit critique et caustique des revues de presse en passant au crible les attitudes et déclarations des hommes politiques qu'il n'hésite pas à fustiger. En 2011, "Rideau" joué au Théâtre du Rond-Point à Paris constituera le spectacle de ses adieux en tant qu'ultime One Man Show...
Mais il y a bien entendu un autre compère auquel on pense lorsqu'on évoque Bedos : son complice Pierre Desproges, qui s'est même payé le luxe d'un éloge funèbre en plein plateau de Michel Drucker, à l'occasion de ses 20 ans de scène !
Guy Bedos n'a jamais caché ses idées lors de ses spectacles : il se revendique clairement comme "un homme de gauche" même s'il ne soutient aucun parti politique, il se fait souvent tacler par ses adversaires comme appartenant à la 'gauche caviar', alors que lui, de par des origines algériennes se dit plutôt appartenir à la 'gauche couscous '. Membre de la Ligue des Droits de l'Homme, il se battra aux côtés des militants pour "le Droit au Logement" et sera également membre d'honneur au sein de "l'association pour le droit de mourir dans la dignité " Si ses détracteurs n'apprécient pas forcément son humour parfois plus que grinçant , des comédiens comme Muriel Robin avec qui il a travaillé et lié des relations de sincère amitié en revanche le considèrent comme un humaniste profond, qui a toujours eu le sens de l'équité et par conséquent ne supporte pas l'injustice.

C'est par le biais d'un de ses enfants, le comédien, scénariste et réalisateur Nicolas Bedos, que nous avons été informés du décès de Guy.Il a dit un poignant adieu à son père par le biais d'une lettre confiée à l'animateur Augustin Trapenard pour qu'il la lise dans son émission "Lettres d'intérieur", sur France Inter. Dans ce texte, Nicolas Bedos évoque la dernière nuit de son père :
"Des bougies, un peu de whisky, ta main si fine et féminine qui sert la mienne jusqu’au p’tit jour du dernier jour (…) Au-dessus de ton lit, un bordel de photos, de Jean-Loup Dabadie à Gisèle Halimi, de Desproges à Camus en passant par Guitry". Il poursuit : "Fâché de ne plus pouvoir parler, tu envoies des baisers muets à ta femme adorée, à ta fille bien aimée, à la fenêtre sur l’île Saint-Louis, au soleil que tu fuis.
Il y aura des athées, plein d’arabes et plein de juifs, poursuit Nicolas Bedos. Ça aurait consterné ta mère, tu aurais bien aimé que ta mère soit fâchée. Puis on t’envole en Corse, dans ce village qui te rendait un peu ta Méditerranée d’Alger. On va chanter avec Izia et les Tao, du Higelin, du Trenet, du Dabadie et Nougaro. On va t’faire des violons, du mélodrame a capella : faut pas mégoter son chagrin, à la sortie d’un comédien. Faut se lâcher sur les bravos et occuper chaque strapontin. C’est leur magot, c’est ton butin....D’autant que je sens que tu n’es pas loin... Tu n’es pas mort : tu dors enfin", conclut Nicolas Bedos.

La Cérémonie en hommage à la disparition de l'humoriste a eu lieu ce jeudi 4 juin à St Germain Des Prés....
Espérons que le jeu de dominos s'arrête là, et que la prochaine publication de chronique ne reprenne qu'à l'occasion de la réouverture des salles de cinéma le 22 juin prochain , alors que vont sortir de nombreux films malgré tout labellisé "Cannes 2020" alors que le Festival n'aura pas eu lieu et que par conséquent, il n' y aura pas de palmarès...