Pour se repérer dans la jungle de la culture ... selon mes goûts !
Résumé
L’odyssée tragique et sublime de deux petites filles rescapées du génocide arménien.
1915, non loin d’Erzeroum, en Arménie turque. Araxie, dix ans, et sa petite sœur Haïganouch, six ans, échappent par miracle au massacre des Arméniens par les Turcs. Déportées vers le grand désert de Deir-ez-Zor et condamnées à une mort inéluctable, les deux fillettes sont épargnées grâce à un médecin qui les achète comme esclaves, les privant de leur liberté mais leur laissant la vie sauve.
Jusqu’à ce que l’Histoire, à nouveau, les précipite dans la tourmente. Séparées, propulsées chacune à un bout du monde, Araxie et Haïganouch survivront-elles aux guerres et aux trahisons de ce siècle cruel ? Trouveront-elles enfin la paix et un refuge, aussi fragile soit-il ?
C’est autour de l’enfance romancée de sa propre grand-mère que Ian Manook, de son vrai nom Patrick Manoukian, a construit cette inoubliable saga historique et familiale. Un roman plein d’humanité où souffle le vent furieux de l’Histoire, une galerie de personnages avides de survivre à la folie des hommes, et le portrait poignant des enfants de la diaspora arménienne.
Mon Commentaire
Malgré un nom aux consonnances anglosaxonnes, Ian Manook, auteur de ce roman ‘l’oiseau bleu d’Erzeroum ‘ est d’origine arménienne, puisque son vrai nom est Patrick Manoukian. Cet ouvrage lui a été inspiré par les récits de sa grand-mère sur ses souvenirs d’enfance, lorsqu’elle, Araxie, et sa petite sœur Haïganouch ont été contraintes sous le Régime de la nouvelle République Turque à l’exode et la déportation. Un père parti à la guerre, une mère assassinée par les Turcs, elles n’ont certes pas d’autres choix que de fuir, même si un certain nombre de rencontres et de coïncidences vont leur permettre d’échapper à un destin fatal…
Il faut rappeler qu’à l’aune de la première guerre mondiale, les chrétiens représentaient environ 30% de la population installée en Anatolie. A cette période débute la première tentative de purification ethnique de grande envergure à laquelle on assiste, puisque l’action de cette incroyable saga familiale se situe dans la toute première moitié du XXème siècle, précisément entre 1915 et 1939.
Bien sûr, on a tous entendu parler du génocide arménien, que le gouvernement turc actuel et l’Azerbaïdjan - entre autres pays- se refusent toujours de reconnaître. La lecture de «’L’oiseau bleu d’Erzeroum’ permet de reconstituer précisément la mise en place des manœuvres visant au nettoyage ethnique pris par l’empire ottoman, allié alors au gouvernement allemand… Même si les faits sont relatés de façon romancée, l’horreur de l’exode, des exactions perpétrées par les soldats turcs et kurdes, la déportation, la famine et les multiples maladies en conséquence, ainsi que les ventes honteuses de jeunes filles vendues comme esclaves sont décrites au lecteur ad nauseam.
Pourtant, çà et là apparaissent parfois heureusement quelques souffles d’humanisme qui permettent aux héroïnes de s’en sortir, même si pour cela elles devront souvent fuir à travers la région et même voyager sur de longues distances. On suit également dans le roman le parcours de deux jeunes Arméniens Haïgaz et Agop, qui vont tenter de venger le sang de leurs semblables sauvagement assassinés…
Ian Manook porte aussi un regard froid mais clairvoyant sur l’attitude des pays occidentaux vis-à-vis de l’holocauste qu’ils ne peuvent ignorer : mais l’Europe occidentale pas plus que les Etats Unis -pas plus que la Russie -ne s’en préoccupent outre mesure, leur décision irresponsable de ne pas réagir incitant bientôt la montée en puissance d’Hitler et de son idéologie nazie dans ce pays d’Allemagne vaincu mais à tort pas désarmé…L’évidence s’impose d’ailleurs ici sur la similitude des actions entreprises par le Reich pour mettre en place l’Holocauste juif.
‘L’oiseau bleu d’Erzeroum’ s’avère un roman particulièrement ardu à lire tant l’horreur est présente à chaque page dans une première partie… Pourtant, on s’accroche aux moindres souffles d’espoir qui permettent d’espérer aux héroïnes de survivre. La seconde partie qui relate l’installation en France des deux sœurs malgré de nombreuses références historiques manque en revanche un peu de rebondissements et aurait gagné à être un peu plus condensée.
Néanmoins, Ian Manook signe là un roman incontournable rappelant le calvaire vécu par les Arméniens il y a tout juste un siècle. Avec un style direct et sans ambages qui est propre à cet auteur plus habitué d’habitude aux romans policiers, l’auteur livre un récit cru qu’on ne peut lire d’une traite tellement la barbarie y est présente…Mais l’histoire de ces deux sœurs s’arrêtant ici à l’aube de la seconde guerre mondiale, on pense forcément à une suite qu’il sera intéressant de découvrir.