Pour se repérer dans la jungle de la culture ... selon mes goûts !
Résumé
Bienvenue à Bournville, charmante bourgade proche de Birmingham connue pour sa célèbre chocolaterie. C’est à l’occasion de la victoire de mai 1945 que nous y rencontrons la petite Mary Clarke, émerveillée par les festivités organisées autour de sa maison. Elle y croise alors le chemin d’un certain Geoffrey Lamb, fils d’un collègue de son père travaillant aussi dans l’usine de chocolat. Nous retrouvons Mary et Geoffrey en 1953, fiancés et fascinés par le couronnement de la reine Élisabeth II que leurs familles respectives regardent ensemble sur le premier poste de télévision de Bournville. Treize ans plus tard, le couple a trois fils épris de football, qui s’extasient devant le match opposant les Anglais aux Allemands lors de la Coupe du monde de 1966. Nous les verrons à leur tour grandir et tracer leurs routes au fil de l’investiture du prince de Galles, du mariage de Charles et Diana, de la mort de cette dernière, de l’arrivée de Boris Johnson en politique, pour finalement retrouver Mary lors du 75e anniversaire de la Victoire, en plein confinement.
En sept parties scandant les sept temps majeurs de l’histoire de l’Angleterre moderne, 'Le Royaume désuni' mêle brillamment les destins d’un pays dysfonctionnel, d’une irrésistible famille anglaise et d’une chocolaterie.
Jonathan Coe signe ici un roman de grande ampleur dans la lignée si charming et piquante de Testament à l’anglaise et du Cœur de l’Angleterre.
Mon Commentaire
Avec ‘le royaume désuni’, c’est à retour en arrière historique que nous convie Jonathan Coe, depuis 1945 et la victoire des alliés, telle que perçue par Mary depuis Bournville, bourgade proche de Birmingham, jusqu’à l’épisode récent du Brexit en 2019 et la pandémie encore plus proche de nous du Covid 19.
Au cours des sept parties articulées autour des évènements majeurs jalonnant toutes les décennies traversées, on suit donc l’évolution du couple formé par Mary, devenue adulte, mariée à Geoffrey Lamb, le fils d’un ami de son père qui travaillait tout comme lui à la célèbre chocolaterie Cadbury, et à leurs descendants, enfants et petits-enfants… Après juin 45, c’est l’époque du couronnement d’Elizabeth II en 1953 qui sert de point de repère, puis en 1966, la finale de coupe de foot Allemagne-Angleterre devient la toile de fond. Une belle analyse nous est proposée en matière de ressenti autour de la famille royale, d’abord avec la cérémonie d’accession au trône du Prince Charles en 1969, puis son mariage en 1981 avec Lady Diana Spencer, celle qui deviendra l’adulée -et adorée - Princesse de Galles, devenue malgré elle Princesse du Peuple, et dont le décès accidentel en 1997 affligera la nation entière – ainsi que de nombreuses personnes dans le monde entier. Jonathan Coe termine son roman par un retour sur la célébration en 2020 du 75ème anniversaire de la Victoire, au sein d’un pays dont le destin économique et culturel a été mis entre parenthèses à la suite du vote massif en faveur du Brexit et de l’impact de la terrible pandémie.
Pour bien suivre le déroulement de ce roman-fleuve, dont le récit est néanmoins inspiré à l’origine par la personnalité de la propre mère de Jonathan Coe, il est plus que nécessaire de garder en mémoire l’arbre généalogique des personnages, présent au début du livre, faute de quoi, vous aurez tendance – comme moi- à ‘décrocher’ ou, pire, à mélanger les personnages. Et c’est dommage, car ce roman est truffé d’anecdotes sur les Britanniques, notamment sur les rapports entre les Anglais et les Gallois, ou les Ecossais, mais aussi sur l’idée de la souveraineté du Royaume Uni, cette île qui a adhéré à l’Union Européenne sous Mrs Thatcher et en est sortie sous David Cameron, plus de 50 ans plus tard. ‘Le Royaume désuni’, c’est aussi l’occasion de faire le point sur les amitiés entre le Royaume Uni et les Européens, en particulier avec l’Allemagne, d’autant que les enfants de Mary découvriront que des cousins directs sont établis de l’autre côté du Channel. Et puis comment ne pas sourire quand un Anglais pro-européen doit néanmoins défendre les qualités intrinsèques et historiques d’une marque nationale de chocolat par rapport aux exigences de Bruxelles ?
Au total, Jonathan Coe signe encore ici un roman à la fois instructif, parfois incisif mais tendre et sentimental, que l’on lit avec plaisir.